A différents endroitsdans le paysageGillesBruni construit -avec des matériaux naturels - des lieux de reposet de retraitespour les humains etles animaux.
Né à Nantes, France, en 1959, Gilles Bruni fait des études agricoles au milieu des années 70. Après une reprise d’études, à l’université de Rennes 2, il obtient un doctorat d’Arts Plastiques en 1997. Parallèlement, il initie un champ d`expérimentation commun avec Marc Babarit, à ciel ouvert, sous l’appellation d’« installation paysagère » en France comme à l’étranger (Allemagne, USA, Canada, Danemark, Italie, Autriche, Venezuela), principalement lors de résidences ou de commandes. En dehors de cette collaboration singulière qui se termine en 2005, Gilles Bruni prolonge ce travail contextuel, croisant son questionnement autour du paysage avec celui de l’écologie du lieu, ses habitants et leur histoire, s’ouvrant à de nouvelles collaborations pluridisciplinaires et à des partenariats locaux. Dans ses réalisations il cherche à intégrer de nouvelles approches (participatives, sonores, poétiques…) et des publications à sa pratique du site et de la photographie.
Ma voie de pensée concernant ma pratique artistique
L’écologie relève sans doute plus d’une éthique d’une pratique artistique que de l’« Ecological Art » en ce sens que le mode de fonctionnement propre à ce travail affiche un comportement éthique définissant une attitude, une façon de travailler et de s’impliquer dans un milieu physique et humain… Il n’a jamais été question dans ce travail mené pendant une vingtaine d’année de valoriser stricto sensu un génie écologique en visant une action réelle sur le milieu investi… Avant tout l’écologie a été et demeure un moteur à penser un rapport au monde.
Se pose à mon sens la question d’une co-incidence avec le monde lié au mode d’intervention, espace physique, vivant, et congénères compris… De là cette pratique d’installation paysagère qui ne peut pas être produite détachée de son environnement, de son contexte. Nous faisons ainsi exister/voir/vivre ces relations à l’environnement à travers des ouvrages et des images qui signent un type de relation que nous avons eu avec un endroit, entre nous, et à l’occasion avec les habitants.
La portée sociale y apparaît alors comme étant souvent de l’ordre de la proposition : une ouverture à la participation et à l’interprétation par le commanditaire/spectateur/acteur…
Un certain nombre de principes illustrent ces relations : adaptation et adoption - emprunt et restitution (une question de durée physique et sociale, en référence à l`agriculture qui exporte et doit apporter en échange de quoi entretenir le système sans l`épuiser) - installer/s’installer - action/réaction (la capacité d’auto formalisation du végétal comme réponse du milieu par exemple) – proposition et interprétation (ou donner/s’approprier). Ils guident autant qu’ils résultent de ce travail de terrain.
D’où la volonté de présenter dans le cadre du colloque des réalisations urbaines et/ou périurbaines qui ont demandé plus explicitement une implication et une prise en compte du social, parce que notre travail ne consiste pas seulement en travaux réalisés dans la « nature » en référence directe ou non au paysage. Les interventions dans l’espace public ou l’espace social impliquent toujours un minimum de négociation et de dialogue, prenant à l’occasion en compte l’espace de l’habitant… une autre façon de contribuer à former le paysage, à questionner des lieux… mais aussi à porter un regard critique sur des façons de gérer nos espaces de vie…
Lors d`une marche avec Luea Ritter et Chris de Smedt j’ai fait le constat que l`agriculture n`avait pas laissé de place aux habitants susceptibles de parcourir la campagne et de s`approprier les paysages du pays d`Herzele. Les chemins ont même souvent disparus.
Eddy Raepsaet de la RLVA, que j’ai rencontré au cours d’une de mes visites, a confirmé ce constat en me faisant remarquer une certaine pauvreté de la faune dans ce territoire (il reste peu de bosquets d`arbres ou d’arbustes pouvant servir d’abri et de garde-manger...). Entre autre, il travaille à redonner une place aux oiseaux, incitant les agriculteurs à installer des nichoirs, comme pour les chouettes Chevêche qui se sont faites rares.
Mon hypothèse de travail est devenue simple : ne peut-on pas penser installer des abris provenant de la taille des arbres et arbustes de la campagne environnante (privilégier le recyclage), ce afin de proposer aux gens qui parcourent ce territoire des repères, des haltes pour se reposer et regarder le paysage. De même, de tels abris ne pourraient-ils pas servir à accueillir une faune locale et servir de relai avec la végétation environnante pour créer des corridors verts, ce qui favoriserait du coup sa circulation…
Nous allons donc construire collectivement plusieurs de ces abris et montrer qu`on peut redonner une place aux habitants, une façon pour moi de reconquérir la campagne, de la ré-habiter... tout en laissant une place à l`animal dans un monde que nous partageons de fait.
Je sais qu’une telle idée est utopique en regard des pressions agricoles, mais elle peut être symboliquement forte, un message adressé aux gens qui viendront marcher dans cette campagne.
Principes
Toujours penser à des formes de végétalisation future pour les constructions (plantation différée) pour les compléter et fournir abri et nourriture aux animaux de passage
Toujours penser aux abris en termes de programme et non d’objets totalement arrêtés, c’est à dire qu’ils ne sont pas totalement déterminés en forme et nombre
Les emplacements sont soigneusement choisis. Leur nombre est dans le principe extensif
Les matériaux des abris sont issus en priorité du lieu où ils sont implantés. Ils proviennent du territoire. Ces matériaux sont surtout des matériaux de récupération
Les constructions restent légères, issues de bricolage et de modes d’assemblages divers accessibles au plus grand nombre
Ces constructions ont pour principe de fournir un abri provisoire, elles n’ont pas pour but d’être « habitables » ou durables, elles restent temporaires, à entretenir ou à renouveler
Elles sont toujours équipées de bancs pour la halte, le repos pour les promeneurs ou les habitants des environs